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Transports et mobilités à l’échelle métropolitaine de Dakar

: défis et opportunités d’un système en mutation

Cheikh CISSE1,2

1 African Studies Centre Leiden, Leiden University, Pays-Bas

2 École Supérieure des Professions Immobilières (ESPI) , Paris, France


Résumé

La forte urbanisation de la région métropolitaine de Dakar entraîne des enjeux complexes en matière de mobilité, dus à la densification croissante et à l’étalement urbain, exacerbés par l’augmentation de la motorisation. Cet article met en lumière une lacune dans la compréhension des interactions entre les pratiques de transport formelles et informelles, ainsi que leurs impacts socio-économiques, environnementaux et institutionnels. À partir d’une méthodologie combinant une revue de la littérature, l’analyse de rapports officiels et des entretiens avec des acteurs locaux menés entre 2017 et 2020 – dans le cadre de nos recherches doctorales –, l’article analyse les défis et les opportunités du système de transport dans la région. Les résultats montrent que l’hybridation des pratiques de transport nécessite une réévaluation des stratégies de gouvernance et de financement pour promouvoir un système de mobilité durable et inclusif.


  1. Introduction

    Les métropoles africaines connaissent une urbanisation rapide, accom-


    CONTACTS

    Auteur de Correspondance : Cheikh CISSE cheikhcisse66@gmail.com


    HISTORIQUE

    Reçu : 08 / 08 / 2024

    Accepté : 22 / 10 / 2024

    Publié : 18 / 11 / 2024


    Mots clés :

    • Dakar

    • Mobilité urbaine

    • Infrastructure de transport

    • Gouvernance

    • Durabilité

pagnée d’une augmentation des mobilités, tant à l’intérieur qu’entre les villes. Bien que le taux de motorisation reste relativement faible et que les déplacements à pied prédominent encore dans de nombreuses régions (Dia Olivera et al., 2010), une hausse notable des déplacements motorisés est observée, surtout chez les ménages aisés, grâce à l’amélioration des conditions de vie. Par exemple, la métropole de Nairobi a enregistré une augmentation de 67 % des déplacements motorisés entre 2004 et 2013, tandis que le Burkina Faso a vu une hausse annuelle de 9,3 % entre 2005 et 2015 (SSATP, 2021). À Dakar, entre 2000 et 2014, le taux de motorisation a plus que doublé, passant de 17 à 40 véhicules pour 1 000 habitants. Cette augmentation résulte de la conjonction de l’augmentation des revenus et de l’amélioration de l’accès au crédit automobile, facilitant l’acquisition de véhicules par les ménages aisés (SSATP, 2021). Cependant, malgré cette croissance, le taux de motorisation de Dakar de- meure relativement faible par rapport à d’autres régions du monde (Chance et Godard, 2009).

Cette croissance exponentielle des mobilités, liée à l’augmentation de la motorisation, en- gendre des problèmes majeurs tels que la congestion urbaine, diverses formes d’insécurité, ainsi qu’une pollution sonore et atmosphérique. Cela souligne la nécessité d’une politique de planification rigoureuse des systèmes de transport. Les transports peuvent ainsi être envisa- gés comme un système intégré permettant de comprendre l’influence de ceux de la région de Dakar sur les différentes formes de mobilité.

Dans ce contexte, il est pertinent d’examiner les défis et les opportunités associés au système de transport de la région métropolitaine de Dakar. Une première étape consiste à identifier les composantes essentielles de ce système, suivie d’une analyse des interactions entre ces élé- ments, en mettant en lumière leurs impacts socio-économiques, environnementaux et institu- tionnels. Cette approche contribue à une meilleure compréhension des dynamiques de mobi- lité à Dakar et permet de dégager des stratégies pour une gestion durable et inclusive de la mobilité urbaine.

L’article est structuré en plusieurs sections. D’abord, une contextualisation des enjeux de la mobilité dans la région métropolitaine de Dakar, en lien avec la croissance démographique. Ensuite, une revue de la littérature établit un cadre théorique sur les recherches concernant les transports urbains en Afrique, identifiant les manquements existants. La méthodologie ex- pose les approches quantitatives et qualitatives employées pour mener l’analyse. Les résultats présentent les impacts socio-économiques du système de transport, ainsi que les défis envi- ronnementaux tels que la pollution et la congestion, et les réponses politiques. La discussion explore les enjeux de gouvernance et de financement, en examinant le rôle des parties pre- nantes dans la gestion des transports. Enfin, des recommandations pratiques sont proposées pour une gestion plus durable et intégrée du système de transport dans la région métropoli- taine de Dakar.


  1. Brève revue de la littérature

    L’analyse des systèmes de transport urbain dans les grandes villes africaines a suscité un regain d’intérêt au sein de la recherche académique. Plusieurs études abordent les défis ren- contrés par les métropoles africaines face à l’urbanisation rapide et à l’augmentation des dé- placements. Par exemple, certaines recherches ont documenté les conséquences de la mo- torisation croissante, notamment la congestion, la pollution et les inégalités d’accès aux ser- vices de transport (Boyer et al., 2016) la nécessité d’une approche qui reconnaît la complexité des villes africaines et leurs systèmes de transport (Förster et Ammann, 2018). D’autres ont exploré les dynamiques de transport informel, souvent prévalentes dans ces villes, qui coexis- tent avec les systèmes de transport formels (Faye, 2013 ; Murray et Musselwhite, 2019 ; Che- nal, Kemanjou et Sakho (2018) ; Diongue et Sakho 2022) la prépondérance de la marche à pied dans les mobilités (Diaz Olvera et al, 2007) et la possibilité de développer un système de transport durable à travers l’usage du vélo (Lemaitre, 2014).

    Cependant, malgré une abondance des études sur les transports urbains en Afrique, peu d’entre elles ont dressé un état des lieux complet pour comprendre les défis et opportunités spécifiques du système de transport de la région métropolitaine de Dakar. La majorité des travaux existants se concentrent sur des contextes urbains spécifiques sans fournir une ana- lyse comparative approfondie entre les différentes pratiques de mobilité. Ainsi, il existe un manquement dans la littérature concernant l’intégration des différents modes de transport et leur interaction au sein d’un système cohérent à Dakar.

    Cet article apporte des analyses qui visent donc à combler ce research gap en examinant de manière critique les défis et opportunités du système de transport de Dakar, tout en considé- rant l’hybridation des pratiques formelles et informelles. L’adoption de cette problématique jus- tifie la nécessité de ce travail et la méthodologie adoptée, qui combine une revue de la littéra- ture, l’analyse des rapports officiels et des entretiens semi-directifs avec des acteurs locaux.


    Ce faisant, l’article propose une contribution à un meilleur cadre de réflexion sur la mobilité urbaine à Dakar et des recommandations pour une gestion plus efficace et durable de son système de transport.


  2. Méthodologie

    L’article est rédigé à partir d’une revue systématique de la littérature et d’une analyse de do- cuments institutionnels et académiques. Les critères d’inclusion comprennent des articles pu- bliés entre 2000 et 2024, complétant nos recherches doctorales réalisées entre 2017 et 2020, en utilisant des mots-clés tels que « mobilité urbaine », « transport à Dakar », « gouvernance des transports », « financement des infrastructures » et « ville nouvelle de Diamniadio ». Les sources consultées incluent Google Scholar, ainsi que des rapports de la Banque Mondiale, de la Banque Africaine de Développement (BAD) et de l’Agence Française de Développement (AFD). Google Scholar a été privilégié sur d’autres moteurs de recherche scientifique pour sa large couverture et son accès gratuit, permettant ainsi de récupérer un vaste éventail de pu- blications pertinentes dans le domaine de l’urbanisme, précisément dans les transports.

    Parmi les articles de revue identifiés, douze ont été retenus pour l’analyse finale, complétés par des rapports d’études, des articles de presse et des extraits de thèses. Ces sources ont été examinées pour déterminer les tendances, défis et opportunités dans la gestion des mo- bilités urbaines à Dakar.

    Une analyse qualitative a été réalisée pour évaluer les mécanismes de financement et de gouvernance des projets de transport, en les inscrivant dans la dynamique de la création de la ville nouvelle de Diamniadio à l’échelle métropolitaine. En parallèle, une analyse quantitative a été effectuée sur des données statistiques officielles relatives aux indicateurs tels que le volume de trafic, les taux d’utilisation des transports en commun, les investissements dans les infrastructures, le taux de congestion routière, les émissions de COliées aux transports et l’accessibilité aux services de transport public. Ces données, comprenant un ensemble d’indi- cateurs clés tels que le volume de trafic et les coûts de transport. D’autres données d’études extraites des sites officiels mentionnés plus haut, ont été analysées à l’aide de méthodes sta- tistiques descriptives afin d’obtenir une vue d’ensemble des performances du système de transport urbain dakarois, d’évaluer et d’illustrer les impacts socio-économiques des projets de transport en cours.

    Les résultats de cette revue ont été synthétisés pour offrir une vue d’ensemble des avancées, des défis et des perspectives d’amélioration dans la gestion des transports dans la région de Dakar. Cette synthèse a permis de contextualiser les résultats par rapport aux études anté- rieures et d’identifier les implications pratiques pour les décideurs et les chercheurs. En outre, l’intégration de données qualitatives recueillies avec des entretiens semi-directifs entre 2017 et 2020, dans le cadre de nos recherches doctorales, et de données quantitatives extraites de sources statistiques officielles, validées par une triangulation avec des sources secondaires, garantit la rigueur et la validité des conclusions présentées dans cet article.

    1. Description des données et zone d’étude

      Premièrement, les données quantitatives proviennent de sources telles que l’Agence Natio- nale de la Statistique et de la Démographie (ANSD) du Sénégal et d’autres organismes statis- tiques, contenant des indicateurs sur le transport public, l’infrastructure routière et l’utilisation

      des différents modes de transport. Ces données ont été choisies en raison de leur pertinence pour évaluer et illustrer la situation actuelle des transports dans la région de Dakar.

      Deuxièmement, la région métropolitaine de Dakar est le point focal de cette étude. Elle se caractérise par une croissance démographique rapide et une urbanisation soutenue, engen- drant des défis significatifs en matière de transport et de mobilité.

  3. Résultats

    Cette partie présente une analyse du système de transport métropolitain de Dakar, en mettant en exergue ses composantes essentielles et les dynamiques qui en découlent. Elle se décline en trois axes principaux : d’abord, l’évaluation des services de transport disponibles, tant for- mels qu’informels, et leur impact sur la mobilité urbaine ; ensuite, une analyse des infrastruc- tures et équipements associés, en soulignant leur rôle dans le fonctionnement global du ré- seau ; enfin, une exploration des usagers, leurs comportements et leurs attentes, ainsi que des retombées économiques, sociales et environnementales du système de transport sur la région. Cette démarche permet non seulement de mettre en évidence les externalités positives et négatives engendrées par le système, mais aussi d’identifier les défis majeurs auxquels la métropole de Dakar est confrontée en matière de mobilité. Pour finir, cette partie souligne la complexité et l’évolution des pratiques de transport dans un contexte urbain en mutation.


    1. Le système de transport métropolitain de Dakar


      Les transports et les mobilités à l’échelle métropolitaine de Dakar peuvent être appréhendés comme un système complexe, structuré autour de trois sous-systèmes interconnectés : les services, les usagers, ainsi que les équipements et infrastructures. Ces sous-systèmes inte- ragissent en permanence, façonnant et influençant les dynamiques de mobilité urbaine dans la région.

      En effet, Dakar, en tant que métropole en pleine expansion, est confrontée à de nombreux défis en matière de mobilité. Selon les données recueillies auprès du Conseil Exécutif des Transports Urbains de Dakar (CETUD) lors de nos entretiens en 2019, une faible proportion des déplacements s’effectue via des moyens de transport collectifs formels et informels tels que les bus et les taxis (environ 24 %), 6% en transport individuel (voiture particulière), tandis que la majorité des usagers (près de 70 %) se déplace à pied. Ce déséquilibre reflète non seulement l’importance des piétons, du secteur informel, mais aussi du mauvais état de la majorité des infrastructures existantes et l’insuffisance de services. Cette situation contribue à la congestion chronique et à des temps de trajet souvent longs et imprévisibles, affectant con- sidérablement la qualité de vie des habitants.

      Face à cette situation, plusieurs initiatives d’envergure ont été mises en place pour améliorer la mobilité à Dakar, telles que l’introduction du Train Express Régional (TER) et le développe- ment du Bus Rapid Transit (BRT), qui visent à répondre aux besoins croissants de déplace- ment dans une agglomération en rapide expansion.

      Pour comprendre pleinement les dynamiques de mobilité à Dakar, il est essentiel d’analyser ces trois sous-systèmes de manière intégrée afin de concevoir des solutions à la hauteur des défis actuels et futurs de la région.



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      1. Les services de transports


        Les services de transport représentent les moyens de déplacement, incluant les véhicules gérés par les autorités publiques ou des entrepreneurs privés, tels que les bus, les taxis, les voitures individuelles et les deux-roues motorisés. Ces services reflètent le niveau de déve- loppement économique du pays et sa géographie. Il existe une corrélation entre le développe- ment d’un pays et la disponibilité de ressources pour des services de transport efficaces.

        À Dakar, les principaux services de transport comprennent les bus publics formels (bus de la société publique de transport urbain — Dakar-Dem-Dikk), ainsi que les minibus informels et semi-informels (« car-rapides », « Ndiaga Ndiaye »), les taxis réguliers, clandestins et les mo- tos-taxis, le train traditionnel – appelé localement « train bleu », le Train Express Régional (TER) et le Bus Rapid Transit (BRT). Cependant, il y a une prédominance des bus de divers types, tandis que les modes de déplacement doux tels que le vélo et la trottinette sont prati- quement inexistants, souvent perçus comme dangereux et peu adaptés à la circulation (Etude Sama-Vélo, 2019). Cette perception est également renforcée par des restrictions sur l’impor- tation de vélos d’occasion au Sénégal et l’absence de fabricants locaux. Pourtant, ces modes de déplacement sont considérés comme favorables à une mobilité urbaine durable, actuelle- ment recherchée par de nombreuses grandes villes pour faire face aux défis environnemen- taux.

      2. Les équipements et infrastructures de transports


        Les équipements et infrastructures sont les moyens matériels et les espaces utilisés pour la circulation des services de transport. Cela correspond aux routes pour les véhicules individuels et collectifs, les voies ferrées, les parkings et les passages piétons. Les infrastructures de transport sont des éléments structurants pour le développement urbain, pouvant désenclaver des zones isolées ou, au contraire, s’avérer inefficaces en concurrence avec d’autres infras- tructures plus rentables. Pourtier (1995) souligne cette ambiguïté en disant « qu’une infras- tructure peut avoir un effet d’entraînement, mais aussi de destruction ». Les infrastructures influencent donc les déplacements des populations en fonction de leur qualité.

        À Dakar, la métropolisation croissante et la création de la nouvelle ville de Diamniadio à 30 km sur la partie Est de la région s’accompagnent de projets d’infrastructures structurantes telles que les voies ferrées modernes (un Train Express Régional) et les autoroutes à péage. Avec ces nombreux projets de transport qui émergent dans la capitale sénégalaise on se met dans la logique du « toujours plus loin, toujours plus vite, et dans un temps toujours plus réduit (…) avec la motorisation, avec le goudronnage des voies, avec la démocratisation de la con- duite automobile » (Ninot, Lombard, 2010). Cependant, la prépondérance des routes sur d’autres modes de transport reflète l’importance historique de la construction routière dans la formation des villes africaines après les indépendances, reliant les zones urbaines et rurales :

        « la construction routière est, avec l’urbanisation, la transformation la plus tangible des es- paces ouest-africains » (Pourtier, 1995) ». Cette construction routière a non seulement fa- çonné les territoires nationaux, mais a également contribué à l’intégration économique et ter- ritoriale, bien que de manière quelque peu anarchique.

      3. Les usagers

        Les usagers représentent l’ensemble des individus qui utilisent les services et infrastructures de transport pour leurs déplacements. On peut les classer en différentes catégories selon leur niveau d’accès aux services de transport. D’un côté, certains usagers bénéficient d’une meil- leure prise en compte dans l’organisation des systèmes de transport urbain, avec un accès plus régulier et adapté à leurs besoins. De l’autre côté, certains groupes d’usagers, souvent marginalisés ou disposant de moins de moyens, voient leurs attentes et besoins en matière de mobilité souvent négligés (Les personnes à mobilité réduite : handicapés, femmes en- ceintes, personnes âgées, etc. —, ce qui limite leur accès à des services de transport adé- quats.

        La prise en compte des attentes des usagers et la réponse à leurs divers besoins en matière de mobilité sont des défis majeurs pour concevoir un système de transport efficace. Les usa- gers sont au cœur des innovations et des politiques de transport. Par exemple, la pertinence d’une ligne de transport est mesurée par son utilité pour les usagers, le respect des horaires, la sécurité du proposé, le coût du trajet favorisant la qualité de vie au quotidien. Les usagers sont au centre de toutes les innovations et toutes les politiques publiques et privées en matière de transport. La prise en compte et la maîtrise de leurs attentes est une condition nécessaire pour réussir la planification d’un système de transport.

        En revanche, l’essor des services de transport numériques informels, comme le covoiturage, ainsi que l’émergence d’entreprises innovantes dans le secteur du transport, telles qu’Allo- Taxi et TukkiJaam, permettent de mieux répondre aux besoins de ces usagers souvent mal desservis par les systèmes traditionnels. Ces nouvelles solutions offrent des alternatives plus flexibles et accessibles, contribuant ainsi à une meilleure inclusion dans le paysage de la mo- bilité urbaine.



        Figure 1. Système de transport urbain à l’échelle métropolitaine de Dakar. Elaborée par Cheikh CISSE, 2022 (extraite thèse de Doctorat).


    2. Les retombées du système de transport de Dakar



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      Le système de transport de Dakar à l’échelle régionale, des externalités positives et négatives tout en ayant des implications significatives.

      1. Les externalités positives


        Les infrastructures et services de transport en place dans la région de Dakar offrent des avan- tages tangibles tels que l’optimisation partielle du temps, la réduction des distances parcou- rues et le désenclavement des zones périphériques, particulièrement à l’Est de la région. Sur le plan économique, la diversité croissante et l’essor des services de mobilité plus novateurs, adaptés aux besoins changeants et évolutifs des populations, transforment l’offre de mobilité, influençant les prix, les coûts et les modèles économiques (Blanquart et al., 2010). Ces as- pects ont un impact structurant sur le développement économique régional, car beaucoup de recherches scientifiques s’accordent sur le fait qu’une offre de transport plus riche dynamise l’économie en favorisant une mobilité accrue de la population.

        En plus de faciliter la mobilité et le désenclavement des zones périphériques, les nouvelles infrastructures de transport à Dakar favorisent une meilleure connectivité régionale, stimulant ainsi le commerce local et les investissements. Le développement des transports publics et privés permet également de créer de nouvelles opportunités d’emploi dans divers secteurs, tels que la logistique, le transport de personnes et la gestion des infrastructures. De plus, l’émergence de solutions de mobilité innovantes, telles que les applications de covoiturage (Taxi-Bokko…) et les taxis numériques (Yango, Heetch…) dynamise l’entrepreneuriat local en intégrant de nouvelles technologies et en offrant des alternatives économiques aux citoyens.

      2. Les externalités négatives


        D’un point de vue environnemental, Dakar est confronté à des niveaux élevés de pollution atmosphérique, principalement due à un parc automobile en grande partie obsolète. Parmi les véhicules circulant depuis plusieurs décennies, les minibus « Car-rapides » et « Ndiaga Ndiaye » sont souvent perçus comme des « cercueils roulants » et identifiés comme les prin- cipaux polluants de la capitale sénégalaise. Selon une étude de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), sur dix villes africaines, Dakar se classe au deuxième rang des villes les plus polluées en termes de qualité de l’air (National Geographic, 2019). La pollution liée aux trans- ports s’aggrave avec l’étalement urbain vers l’est de la région, entraînant une hausse de la consommation énergétique et des temps de trajet prolongés en raison des embouteillages chroniques.

        Cette situation entraine des pertes économiques considérables estimées à plus de 235 mil- liards de FCFA par an, selon le CETUD (2023), ce qui représente un fardeau important pour l’économie nationale et régionale. La pollution atmosphérique a également des effets graves sur la santé publique, augmentant les risques de maladies respiratoires et pulmonaires chez les habitants.

        Dès lors, il existe des défis majeurs à relever pour améliorer la qualité de l’air et la santé publique. Cela concerne la construction de nouveaux réseaux routiers pour désengorger les infrastructures existantes, le renouvellement du parc automobile afin de remplacer les véhi- cules obsolètes, et la mise en place de restrictions environnementales plus strictes. De plus, l’innovation dans les modes de transport, avec l’introduction de services moins polluants, pour- rait jouer un rôle clé dans la réduction de la pollution. Le développement de transports publics

        écologiques, couplé à des politiques visant à réguler les émissions des véhicules en circula- tion, contribuerait à améliorer durablement la qualité de l’air à Dakar.

      3. Une mobilité difficile


        Une des principales limites du système de transport à Dakar réside dans le déséquilibre entre la planification et les besoins réels des usagers. Malgré les investissements en infrastructures et services de transport pour améliorer la mobilité métropolitaine, les statistiques de la Banque Mondiale (2015) indiquent un faible ratio de 30 véhicules pour 1000 habitants à Dakar. Les données du CETUD en 2019 confirment ce constat, montrant que 70 % des déplacements se font à pied, 24 % en transports en commun et seulement 6 % en voiture individuelle. Bien que l’utilisation de la voiture individuelle soit faible, le taux de motorisation augmente rapidement, aligné sur l’urbanisation croissante. Selon l’ANSD (2019), il y a plus de 800 000 véhicules sur le parc automobile en 2018 soit une hausse de 7 % par rapport à 2017 avec 57 % de véhicules particuliers, 11,3 % de camionnettes et 7 % de motocycles. Si on établit une projection sur le parc automobile des véhicules particuliers, on est à 1 499 070 voitures particulières qui circu- lent au Sénégal en fin décembre 2021, sur une progression annuelle de 10 %. Ces constats appellent à investir davantage dans les transports en commun pour anticiper l’évolution démo- graphique et favoriser la croissance économique, surtout dans la partie Est de la région, jusqu’à Diamniadio.

        Par ailleurs, les transports créent une ségrégation dans la région de Dakar. L’accès inégal aux transports engendre des inégalités socio-économiques, notamment pour les habitants des zones périphériques. Ces zones enclavées manquent d’infrastructures de transport « offi- cielles », laissant les usagers livrés à eux-mêmes. Cela crée une dualité entre citadins dépen- dants des transports en commun et ceux possédant un véhicule individuel. Les coûts de trans- port élevés affectent principalement les plus démunis, sachant que les alternatives informelles, bien que présentes, ne sont pas toujours accessibles. Par exemple, le ticket du TER entre Dakar et Diamniadio coûte 1500 FCFA , tandis que le même trajet en minibus informel ou semi-informel revient à 500 FCFA , alors que le revenu moyen par habitant est de 1430 dollars (854 000 FCFA) par an (en 2020) , soit 3 dollars (1900 FCFA) par jour ; ce qui représente une charge considérable pour les plus pauvres. Ces disparités dans l’accès aux transports affec- tent l’accès à l’emploi, donnant aux plus riches la possibilité de se déplacer plus aisément plus vite, plus loin, avec leur véhicule individuel grâce à la prépondérance des routes et l’existence d’autoroutes à péage, tandis que les plus pauvres principalement à pied ou en transports pu- blics, ont un accès limité à l’emploi.

    3. Entre des mobilités formelles et informelles à l’échelle métropolitaine de Dakar


      Les mobilités dans la région métropolitaine de Dakar sont façonnées par divers éléments, tels que les infrastructures de transport existantes ou en cours de développement, l’organisation articulée des lieux et des horaires de la vie quotidienne, ainsi que les implantations des activi- tés économiques et les pratiques culturelles et commerciales. Ces facteurs contribuent consi- dérablement à la transformation des territoires urbains. Les mobilités individuelles et collec- tives, ainsi que les flux économiques, se coordonnent dans l’espace et le temps. Ainsi, la con- figuration urbaine, influencée par la relation entre espaces de travail et de vie, conditionne les mobilités des personnes et des biens.



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      Le système de transport dans la région métropolitaine de Dakar génère deux formes de mo- bilités : formelles et informelles. Bien que les mobilités régionales soient officiellement régle- mentées par des documents de planification, il est important de noter qu’elles sont aussi in- fluencées par des pratiques et des représentations sociales, expliquant en partie leur caractère informel.

      1. Mobilités formelles


        Les mobilités sont d’abord formelles, car des documents et des plans de déplacement sont établis par l’État pour organiser les déplacements à l’échelle régionale de Dakar. Depuis le début des années 2000, les Programmes d’Amélioration pour la Mobilité Urbaine (PAMU) d’une valeur de 134 millions de dollars ont été lancés dans plusieurs grandes villes ouest- africaines avec le soutien de la Banque Mondiale. Ces programmes visaient à renforcer la sécurité des usagers, à accroître l’efficacité pour réduire les embouteillages, à rendre la mo- bilité plus fluide et à réduire la pollution pour améliorer la qualité environnementale. Par con- séquent, depuis 2000, de nombreuses infrastructures de transport ont été mises en place à Dakar, notamment des aménagements routiers, des autoroutes telles que Dakar-Diamniadio, la réhabilitation des routes RN1 et RN2, l’aménagement de la gare beaux maraîchers à Pikine, ainsi que l’extension de la Voie de Dégagement Nord (VDN) sur le long du littoral ouest de Dakar, en plus des mobilités ferroviaires comme les rails du TER Dakar-Diamniadio. Il y a également eu un renouvellement du parc automobile, passant des anciens bus de la société publique de transport urbain de Dakar (SOTRAC) à la nouvelle société Dakar-Dem-Dikk (DDD), ainsi que dans le secteur privé avec les taxis et les minibus. L’État sénégalais, avec le décret n° 2012-444 du 12 avril 2012, a pris des mesures interdisant l’importation de véhicules vétustes âgés de plus de huit ans en provenance de l’étranger afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre pour la préservation de l’environnement et renforcer la sécurité routière.

        Il existe également des documents de planification des transports dans la région de Dakar, comme le Plan de Déplacement Urbain de Dakar (PDUD) pour l’horizon temporel 2007-2025. Cependant, ces plans ne sont pas régulièrement mis à jour alors que les données démogra- phiques et économiques évoluent rapidement. Par exemple, bien que la société DDD compte un parc de 600 bus desservant 44 lignes pour 50 millions de passagers annuels selon le CETUD, plus de 50 % de ces bus sont immobilisés selon l’ANSD (2019). Cette situation en- gendre des problèmes d’adaptabilité, avec une demande régulièrement supérieure à l’offre de bus de la société publique de transport urbain, ce qui donne lieu à des pratiques informelles pour répondre à cette demande non satisfaite.

      2. Mobilités informelles


        En 2005, l’État du Sénégal a mis en place un programme de renouvellement du parc des transports publics informels dans le but de formaliser ce secteur. Il s’agissait notamment de l’acquisition de minibus de la marque indienne TATA, capable de transporter trois fois plus de passagers que les bus classiques de la société nationale DDD, pour des Groupements d’Inté- rêts Économiques (GIE) sélectionnés. Cette initiative était gérée par l’Association de Finance- ment des professionnels du Transport Urbain (AFTU), regroupant des opérateurs privés de transport urbain en minibus. Selon le CETUD (année), l’AFTU dispose d’un parc de 1607 bus desservant 64 lignes et transportant environ 266 millions de passagers par an. Les chauffeurs de Car-rapide intéressés bénéficiaient alors d’un financement pour démarrer, sous réserve de

        rejoindre l’un des quatorze GIE de l’AFTU pour obtenir un prêt remboursable sur cinq ans. Ensuite, ces chauffeurs étaient formés par le CETUD avant d’être employés par l’AFTU. Cette initiative visait à formaliser en partie le secteur informel. Cependant, malgré des débuts effi- caces, selon Khadim CISSÉ , « le projet était efficient au début, car il a permis une petite régulation des transports publics », d’après Khadim CISSE (2019) — la gestion est désormais entre les mains d’entrepreneurs privés et de membres de la diaspora sénégalaise, considérant le secteur des transports comme un investissement lucratif. Ces entrepreneurs privés contri- buent à une diversité dans les transports collectifs, mais souvent gérés de manière artisanale et semi-informelle, avec pour objectif la maximisation des profits.


        Il existe également une difficulté à formaliser les pratiques informelles dans le secteur des transports, en raison du grand nombre d’acteurs aux intérêts divergents. Les contextes insti- tutionnels ne sont pas favorables à cette formalisation, avec un cadre juridique souvent en décalage avec les réalités complexes du terrain. Par conséquent, les pratiques informelles persistent, telles que la surcharge des véhicules, le non-respect des règles de circulation et les incertitudes concernant les horaires, le trafic et le bon vouloir de fonctionnement des chauf- feurs et de passagers selon les circonstances qui se présentent. Malgré l’introduction de nou- veaux services, il existe une forme de privatisation par défaut dans le secteur. Certains trans- ports publics informels restent très présents et prédominants dans les déplacements, notam- ment les taxis-clandos et les mototaxis tiak-tiak (Cf. encadré en annexe).

      3. Urbanisation et dynamique de mobilité métropolitaine

        Dans la région de Dakar, les mobilités pendulaires entre le centre (Dakar) et les périphéries (partie Est de la région) sont principalement le résultat de l’urbanisation et de l’étalement ur- bain. La concentration des activités et des services à Dakar en fait le point central pour de nombreux trajets quotidiens : 80 % des lignes de transport domestiques ont pour origine ou destination Dakar. De plus, la Banque mondiale (2017) indique que Dakar concentre 80 % du parc automobile du Sénégal, soit près de 24 000 véhicules sur les 30 000 immatriculés en 2017. La densité de véhicules est d’environ 10 pour 1 000 habitants à Dakar, contre moins de 1 pour 1 000 dans le reste du pays. Les deux tiers de ces véhicules sont détenus par des particuliers.

        La création d’une nouvelle ville à Diamniadio par l’Etat du Sénégal vise à établir un nouveau centre et à redéfinir la mobilité urbaine. Une autoroute à péage de 30 km a été construite entre le centre de Dakar et Diamniadio, destinée à améliorer la circulation et à désenclaver Diam- niadio, un pôle urbain émergent résultant de l’expansion métropolitaine de Dakar. Un service ferroviaire, le Train Express Régional (TER), a également été mis en place, reliant Dakar à l’aéroport international Blaise Diagne (AIBD) avec 14 stations. Depuis décembre 2021, le TER relie Dakar à Diamniadio en 30 minutes et, selon les chiffres projetés, a la capacité de trans- porter 115 000 passagers quotidiennement. Ce projet, impliquant des entreprises telles qu’Alstom, Engie et Thales, a coûté plus de 800 millions d’euros, financé par la Banque isla- mique de développement (300 millions), la Banque africaine de développement (180 millions), l’AFD (100 millions), le Trésor français et le gouvernement sénégalais (Le Monde, 2017).



        Figure 2. Tracé du Train Express Régional à l’échelle métropolitaine de Dakar. (Source : APIX S.A, décembre 2021 : https://investinsenegal.com, Réadaptation Cheikh CISSE, 2024).


        De plus, dans une optique de compétitivité territoriale, l’État sénégalais souhaite positionner la ville nouvelle de Diamniadio comme un symbole de la mondialisation, en la connectant aux aéroports et ports nationaux et régionaux pour favoriser des liens avec d’autres grandes mé- tropoles ouest-africaines. Cela implique le développement de liaisons entre Dakar et d’autres régions du Sénégal par l’amélioration des réseaux et des infrastructures de transport. L’objectif est de faire de Dakar un hub régional, combinant aménagement du territoire moderne, numé- rique, recherche, entreprises, etc. Cette nouvelle dynamique de la mobilité pose des défis majeurs à discuter.


  4. Discussion

    1. Défis et gouvernance institutionnels


      Le développement de Diamniadio révèle des problèmes de gouvernance significatifs. Bien que géographiquement située dans la région de Dakar, Diamniadio est administrée par la Déléga- tion Générale à la Promotion des Pôles Urbains (DGPU), tandis que le Conseil Exécutif des Transports Urbains de Dakar (CETUD) est responsable des études de transport urbain, mais ne supervise pas les transports à Diamniadio. Comme le souligne Khadim CISSE (2019) , le CETUD n’a pas été impliqué dès le début des discussions sur la mobilité à Diamniadio, ce qui a conduit à une approche désorganisée et a illustré l’existence d’une forme décentralisation incomplète. Les décisions proviennent principalement de l’État ou du ministère des Transports à l’échelle métropolitaine, et de la DGPU au sein de la ville nouvelle de Diamniadio, margina- lisant les acteurs locaux et les études réalisées par les structures compétentes. On observe

      ainsi une situation où les acteurs tentent de rattraper des changements économiques, démo- graphiques et politiques très rapides.


    2. Défis financiers dans les transports urbains


      L’un des principaux défis dans le financement des transports urbains à Dakar et dans d’autres grandes villes africaines est le manque de financement. Depuis les années 2000, les compa- gnies publiques de transport urbain en Afrique dépendent fortement des subventions gouver- nementales. Au Sénégal, l’État est le principal financier des transports depuis l’indépendance. Il a cherché à marquer son empreinte en devenant transporteur, créant des entreprises natio- nales pour les transports aériens, maritimes et ferroviaires. Les compagnies publiques de transport ont toujours existé, de président Senghor jusqu’au président Macky Sall (DDD) en passant par Abdou Diouf (SOTRAC) et Abdoulaye Wade (DDD), chaque président achetant des bus aux couleurs de son parti politique, mais ces compagnies se sont toujours limitées à la capitale. Il y a maintenant une expansion progressive de Dakar-Dem-Dikk à Sénégal-Dem- Dikk, reliant Dakar à d’autres régions via Diamniadio.

      Face à une demande croissante de mobilité et à un déficit en services de transport, l’État n’est plus le seul financeur des transports publics. L’implication de la Banque mondiale dans les transports à travers des programmes d’ajustement structurel depuis les années 1990 a encou- ragé une orientation vers des politiques économiques libérales. De plus, les commerçants et la diaspora sénégalaise sont devenus des contributeurs importants aux transports urbains et ruraux, comblant le manque de services publics. Les initiatives privées, motivées par des be- soins non satisfaits, ont conduit au développement de services de transport fixes par des en- trepreneurs locaux. Ces opérateurs privés suivent des règles spécifiques, différentes des plans de transport officiels, modélisant la mobilité en dehors des cadres de planification éta- tiques.

      En termes d’infrastructures, la Banque mondiale est un bailleur de fonds majeur en Afrique de l’Ouest. L’Union européenne a également financé des réseaux routiers importants en Afrique subsaharienne. Cependant, ces politiques de transport adoptent une approche sectorielle, se concentrant sur des projets individuels (gares, ponts) plutôt que sur une planification globale pour répondre à la demande croissante. Cela conduit à des réponses ponctuelles plutôt qu’à une fourniture proactive de services et d’infrastructures anticipant la demande croissante.


    3. Implications et orientations futures


      Pour répondre aux défis de la mobilité urbaine à Dakar, une gouvernance cohérente et une planification globale sont indispensables. Cela nécessite, non seulement, une meilleure coor- dination entre les structures techniques et les instances décisionnaires, mais aussi une inté- gration des connaissances locales, une collaboration avec toutes les parties prenantes pour anticiper la demande croissante et réduire la congestion. Les décisions de transport doivent être décentralisées et inclure les acteurs locaux pour assurer des services adaptés et équi- tables à toutes les populations.

      Les modèles de financement durable sont essentiels pour les infrastructures de transport. Di- versifier les sources de financement, via des partenariats public-privé et des investissements


      de la diaspora, peut garantir un financement stable. L’Union européenne et la Banque mon- diale, déjà impliquées, devraient intensifier leurs efforts. Une coordination améliorée entre les agences responsables peut réduire les inefficacités, permettant à Dakar de devenir un hub régional avec un système de transport durable, inclusif et résilient, répondant aux besoins présents et futurs de sa population.


    4. Des opportunités émergentes à exploiter


      L’évolution du paysage de transport à Dakar offre plusieurs opportunités intéressantes. D’abord, l’urbanisation rapide de la ville crée une forte demande pour des solutions de trans- port innovantes et durables. En intégrant des technologies numériques, telles que les applica- tions de covoiturage et les systèmes de billetterie intelligents, Dakar peut améliorer l’efficacité des transports tout en réduisant la congestion. De plus, l’engagement des jeunes entrepre- neurs dans le secteur des transports, soutenu par des financements provenant d’initiatives locales, de l’État (via la Délégation à l’Entreprenariat Rapide — DER) et de la diaspora, pour- rait entraîner la création de nouveaux services adaptés aux besoins des usagers.

      Ensuite, les initiatives gouvernementales telles que le Train Express Régional (TER) et le Bus Rapid Transit (BRT) représentent des avancées significatives pour améliorer la connectivité dans la région métropolitaine. Ces projets peuvent non seulement réduire les temps de trajet, mais aussi inciter à un changement de comportement des usagers vers des modes de trans- port plus durables.

      Enfin, la sensibilisation croissante aux enjeux environnementaux offre une opportunité pour promouvoir des solutions de transport écologique, telles que le vélo, les véhicules électriques, ou hybrides. En intégrant des considérations de durabilité dans la planification et le dévelop- pement des infrastructures, Dakar pourrait non seulement améliorer sa qualité de vie, mais aussi se positionner en tant que leader régional en matière de mobilité durable.


    5. Quelques limites et orientations futures


      Bien que l’article ait permis de mettre en exergue divers défis et opportunités associés aux transports urbains à Dakar, il présente certaines limites. Par exemple, la dépendance sur des données quantitatives peut parfois occulter des aspects qualitatifs essentiels, tels que les per- ceptions des usagers vis-à-vis des différents modes de transport. De plus, l’évolution rapide du contexte socio-économique et démographique peut rendre certaines conclusions obso- lètes.

      Il serait pertinent, dans le futur, d’approfondir les recherches qualitatives afin de mieux com- prendre les attentes et les besoins des usagers. Par ailleurs, une analyse comparative avec d’autres métropoles africaines pourrait enrichir la discussion sur les meilleures pratiques en matière de gouvernance et de financement des transports. Enfin, l’élaboration d’un cadre de suivi et d’évaluation pour les projets en cours pourrait garantir que les initiatives de transport à Dakar répondent efficacement aux défis actuels tout en étant adaptées aux besoins futurs.



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  5. Conclusion

    En définitive, nous pouvons retenir que les diverses formes de déplacement, qu’elles soient officielles ou informelles, sont étroitement liées au système de transports. Ce système, com- posé de multiples éléments interagissant entre eux, présente une dualité claire dans la région de Dakar. D’un côté, il offre des services de mobilité insuffisants et incohérents pour la majorité de la population, tandis que de l’autre, il propose de nouveaux services et infrastructures très modernes, souvent déconnectés des réalités socio-économiques et des besoins réels de la majorité des usagers, principalement les plus pauvres. Ainsi, malgré les investissements et les efforts de modernisation considérables consentis dans le système de transports, celui-ci favorise une forme de mobilité ségrégative : les plus riches ont la possibilité de se déplacer plus rapidement et sur de plus longues distances en utilisant des infrastructures de transport payantes telles que les autoroutes à péage, tandis que les personnes moins fortunées se déplacent à pied ou en utilisant des transports en commun, qui souffrent toujours d’un déficit de services flagrant par rapport à la demande.

    Face à des évolutions économiques, politiques et démographiques rapides, les principaux dé- fis auxquels sont confrontés les systèmes de transport dans les grandes villes africaines telles que Dakar tournent autour de la nécessité de répondre efficacement aux besoins de déplace- ment de la majorité piétonne, ainsi que du financement. Cela pourrait impliquer des choix po- litiques audacieux et assumés, mettant de côté le luxe et la modernité au profit des véritables besoins de mobilité exprimés par la majorité des citadins.


    Utilisation de l'IA générative

    Les auteurs déclarent que l’IA générative n’a pas été utilisée pour rédiger ce document.


    Source de financement

    Aucun financement n’a été reçu pour cette recherche.


    Conflits d'intérêts

    L’auteur n’a aucun conflit d’intérêts à déclarer.


  6. Annexes


    1. Encadré : les mototaxis tiak-tiak ou l’émergence d’une nouvelle alternative de transport informel


      Face à un chômage élevé (environ 20,5 %), les jeunes se tournent vers des moyens infor- mels de gagner de l’argent. Le développement des transports formels reste insuffisant et coûteux, ce qui pousse les populations à inventer des services de transport informels



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comme les « tiak-tiak » — des motos-taxis (motocyclettes, scooters, cyclomoteurs) princi- palement opérés par des jeunes. Ces tiak-tiak offrent des livraisons rapides sans tarif fixe ni réglementation, exposant les conducteurs à des risques routiers et à des amendes im- prévisibles.


Youssou, un jeune de 25 ans de Pikine que nous avons enquêté le 28 décembre 2021 témoigne : « je fais du tiak-tiak pour gagner de l’argent et aider ma famille. Je fixe mes prix en fonction de la distance et des risques de croiser un policier. » Ce service crée des em- plois et des revenus, mais l’absence de régulation pose des défis de sécurité et d’équité.


Les chauffeurs de taxi formels, qui paient des licences et des taxes, se plaignent de la concurrence déloyale des tiak-tiak. Un trajet en taxi coûte en moyenne 2000 FCFA de la banlieue Est au centre-ville de Dakar, tandis qu’un tiak-tiak facture environ 1000 FCFA pour un trajet plus rapide.


En résumé, les tiak-tiak jouent un rôle socio-économique crucial en offrant des emplois et des revenus, mais l’absence de régulation entraîne des risques et des tensions avec les chauffeurs de taxi formels.


    1. Table des sigles


      AFD

      Agence Française de Développement

      AFTU

      Association de Financement des Professionnels du Transport Urbain

      AGEROUTE

      Agence Autonome des Transports et de Gestion des Routes

      AIBD

      Aéroport International Blaise Diagne

      ANAT

      Agence Nationale de l’Aménagement du Territoire

      ANSD

      Agence Nationale des Statistiques et de la Démographie

      CETUD

      Conseil Exécutif des Transports Urbains de Dakar

      DDD

      Dakar Dem Dikk

      DGPU

      Délégation Générale des Pôles Urbains

      PAMU

      Programme d’Amélioration des Mobilités Urbaines

      PAST

      Programme d’Ajustement Structurel des Transports

      PDUD

      Plan Directeur d’Urbanisme de Dakar

      SOTRAC

      Société des Transports en Commun du Cap-Vert.

      TER

      Train Express Régional


  1. Références

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